Toute petite j'ai pris conscience qu'il y avait des différences entre les filles et les garçons. Au primaire, quand j'ai voulu me porter à la défense de mon petit frère mes parents n'ont pas voulu que j'intervienne : «une fille ne peut pas défendre son frère, il va se faire écœurer encore plus». Cette phrase confirmait mes observations, mon sentiment d'injustice, et venait préciser ce qui était convenable de faire pour une fille et pour un gars. Je devais apprendre à m'effacer et mon frère devait apprendre à s'imposer, c'était notre destin sexué.
Un peu plus tard, j’ai été confronté à une situation de violence conjugale. J'avais 12 ans, je gardais chez une amie de ma mère. Celle-ci n'avait pas réussi à se contenir en arrivant à la maison. C'est moi qui était là pour écouter sa détresse, sa peine, ses peurs. Je ne me souviens pas si ma mère était intervenue pour aider son amie, toutefois, j'ai encore le souvenir très clair des situations de violence qu'elle m'avait décrites et qui étaient son quotidien. J'avais été saisie par son sentiment d'impuissance et la peur paralysante qui la submergeait.
Tranquillement, en vieillissant, j'ai intégré et contesté à ma manière, les conventions sociales. Je refusais de me conformer à certains stéréotypes, des banalités. Par exemple, quand j'ai appris à conduire, je me faisais un devoir de savoir stationner la voiture en parallèle, comme une championne. J'ai rapidement voulu conduire dans le centre-ville de Montréal et sur le Métropolitain. Je refusais l'étiquette de la douce insécure qui s'en remet à son chum. J'ai aussi décidé de partir en voyage seule à 18 ans en Europe, d'aller faire les vendanges, de voyager en train et de coucher dans les auberges de jeunesse. Je ne sais pas comment je réagirais aujourd'hui si l'une de mes filles partageait ce projet.
La difficile décision du choix de carrière. Des prises de bec interminables avec ma mère pour ne pas faire le cours de bureautique «une secrétaire ne manque jamais de travail». Il faut avouer que ça me donne aujourd'hui beaucoup d'autonomie sur la suite office. Le plus important, je voulais être autonome, je voulais avoir le choix, je voulais pouvoir gagner ma vie.
J'ai continué d'observer les différences entre les femmes et les hommes. Issue de la classe moyenne, d'une famille stable et tissée serrée, j'ai pu traverser les étapes de ma jeune vie sans embûches. En 2001, j'ai commencé à travailler dans le mouvement communautaire. Plus précisément dans un groupe féministe. J'ai enfin pu mettre des mots sur mes observations et j'ai appris à utiliser des outils pour réduire les écarts entre les femmes et les hommes. J'ai compris comment sans le vouloir j'avais intégré les stéréotypes de genre féminins. Et malgré mon engagement et ma volonté, je n'ai pas réussi à mettre mes filles à l'abri de ces mêmes stéréotypes sociaux de genre. Toutefois, elles ont des mots pour les nommer et les comprendre.
Durant toutes ces années, JAMAIS je n'ai rencontré quelqu'un qui était contre l'égalité entre les femmes et les hommes. MAIS, j'ai rencontré beaucoup de personnes qui reconnaissaient des inégalités et ne savaient pas comment contribuer à les réduire. Des personnes qui ne comprenaient pas pourquoi ces inégalités et ces écarts étaient persistants. Si la reproduction des inégalités se fait inconsciemment, le redressement vers l'égalité se fait consciemment.
Intégrer ou non cette valeur dans nos réflexions stratégiques est une décision. Le simple fait de discuter d'égalité dans son milieu de travail peut engendrer des prises de conscience et des actions concrètes qui contribuent à réduire ces inégalités et à augmenter le potentiel de développement d'un individu (peu importe son sexe). La recherche de l'égalité entre les femmes et les hommes est devenue pour moi un réflexe que je brandis comme un levier de changement social important. Je pense que tout le monde peut y contribuer. C'est un choix. Ajoutez de la couleur dans votre projet, contactez-moi.

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